Je me sens dépossédée de qui je suis…

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"Métis de l’Est", autoproclamé "autochtones" ou "métis", ce phénomène touche toutes les nations autochtones du Québec notamment les Abénakis d’Odanak et de Wôlinak sur leur territoire ancestral et la Nouvelle-Angleterre. Ceci est ma réflexion vis-à-vis de ces groupes et individus, de tous ce que j’ai pu observer ou subir.


J’ai écouté l’entrevue de Dan Boucher avec comme invitée Isabelle Falardeau, alias « La Métisse ». J’ai été fort étonnée par ses propos et je me suis surprise à apprendre beaucoup de choses sur moi-même, sur les Autochtones statués (sarcasme). Une de ces choses est qu’au lieu d’avoir nos propres moyens de reconnaissance, comme les histoires familiales, la raison pour laquelle on ne reconnait pas les « Métis de l’Est » serait que nous ne voulons pas « partager les avantages fiscaux et continuer à pas payer de taxe. ». Tout simplement ! Même après avoir voyagé dans plusieurs communautés, rencontré plusieurs membres des Premières Nations, la seule chose qu’Isabelle Falardeau a comprise des communautés autochtones, hormis l’usage des plantes médicinales, tourne autour de la Loi sur les indiens, la carte statut et les taxes.

Comme certains d’entre vous le savez déjà, le phénomène « Métis de l’Est » au Québec est en expansion depuis quelques années. J'ai moi-même observé ce phénomène quand je travaillais au Musée des Abénakis entre 2015 et 2018. Je ne compte plus le nombre de visiteur ou d’appels téléphoniques de gens à la recherche de leurs « racines autochtones ».

Mais l’endroit où j’ai observé le plus d’activités est sur Facebook. Il suffit de taper « métis » et Québec dans une barre de recherche et vous trouvez des dizaines d’occurrences de communautés ou individus s’auto-proclamant, « autochtones », « métis », « Bois-Brûlés », « hors-réserve », dépendant des régions. J’ai ouvertement exprimé mon désaccord avec ces groupes. Ce qui m’a valu d’être qualifiée de raciste, d’extrémiste, et ultimement d’être bloquée dans la plupart d’entre eux.

J’ai remarqué également que depuis quelques temps, ces groupes ne cherchent plus autant la reconnaissance des Autochtones, ils ont carrément « bypassé » cette étape. Même que beaucoup de membres de ces auto-proclamés affiliés ou non à des communautés deviennent hostiles dès que nous disons « Non, nous ne reconnaissons pas les Métis de l’Est, autoproclamé « autochtones », « métis » pour telle ou telle raison ».

La réaction la plus courante dont j’ai été témoin amalgame les Autochtones à l’assimilation, politiquement corrompus qu’ils sont par le système de la Loi sur les Indiens et ce dès que nous refusons aux « Métis de l’Est » la reconnaissance qu’ils revendiquent. J’ai vu et reçu des messages assez méprisant, risible parce que je suis une Autochtone statuée venant d’une communauté et ne croyant pas à ces groupes ou individus.

Une autre réaction courante est l’infantilisation. En février 2020, le Conseil des Abénakis d’Odanak avait invité un autre indésirable des « Métis de l’Est », Darryl Leroux. Une fois l’événement affiché, j’ai pu constater bon nombre de réactions des auto-proclamés « Métis » et « autochtones ». Ils disaient être déçus des Abénakis d’Odanak et de Wôlinak qu’ils pensaient pourtant gentils, intelligents, accueillants et qu’ils auraient mieux fait d’inviter Sébastien Malette, un des auteurs du livre « Les Bois-brûlés de l’Outaouais », le livre qui prétend prouver qu’il existe des « Métis » au Québec.

Pourquoi tout à coup devenons-nous des Autochtones-corrompus-par-la-Loi-sur-les-Indiens à leurs yeux ? Pourquoi on traduit nos paroles comme de la haine, du racisme, de la discrimination ? Pourquoi devenons- nous une déception, incapable d’avoir nos opinions, nos valeurs, une vision pour notre nation ? Pourquoi on amène ces questions politiques au lieu d’essayer de comprendre le système propre des Premières Nations ? C’est-à-dire au delà de la Loi sur les Indiens.

On me place malgré moi dans la position d’oppresseur. Je me sens parfois aliénée, dépossédée de qui je suis. Car aujourd’hui nous nous battons non seulement contre les préjugés et le racisme (on ne se le cachera pas, ça perdure au Québec), mais nous devons également nous battre contre les « Métis de l’Est », autre auto-proclamé « autochtones » et les préjugés qu’ils propagent. Parce qu’eux ou leurs ancêtres, auraient choisis « d’être libres », sans la contrainte à vivre dans une réserve et d’être soumis à une loi raciste, ils sont de « bien meilleurs Autochtones » avec leurs ancêtres du début de la colonisation que les Indiens statués. Cette raison serait suffisante pour nous parler ainsi.

Quand les dénonciations de Nadine Saint-Louis et Sylvain Rivard ont éclatés, il y a eu de la part de certains Autochtones des accusations de « violence latérale » envers ceux qui ne défendait pas ces derniers. Cependant, lorsque que le cas de la cinéaste-documentariste canadienne Michelle Latimer, je n’ai vu aucune accusation de la sorte envers les Anishnabe de Kitigan Zibi, qui ont pourtant fait la même chose que les Autochtones avec NSD et SR, c’est-à-dire révéler que Michelle Latimer n’était pas de leur communauté et encore moins une Autochtone.

Au lieu de brandir l’accusation de « violence latérale », il y a eu du côté anglophone des intervenants Autochtones qui ont exprimés via des textes ce qu’ils ressentaient face à ces mensonges. Un texte m’a particulièrement marqué, celui de Devery Jacobs qui a expliqué la différence entre avoir un ancêtre autochtone et être Autochtone. La seule raison pour laquelle elle mentionne la Loi sur les Indiens est dans le but d’expliquer qu’il y a bel et bien eu des personnes ayant perdu leur statut avec cette loi, mais qu’ils pouvaient retourner vers leur communauté d’origine sans problème (ce qui est juste et tout à fait légitime), mais que cette décision leur revenait.

Cependant, la plupart des « Métis de l’Est », autoproclamé « autochtones » ou « métis » affirment qu’ils descendent de ces Autochtones ayant perdu leur statut à cause de la Loi sur les Indiens, mais quand vient le temps de nommer la communauté ou la famille à laquelle ils sont rattachés, cela devient curieusement très compliqué.

En conclusion, ce n’est pas que nous ne voulons pas reconnaître les « Métis de l’Est ». Nous ne pouvons simplement pas se permettre de leur donner cette reconnaissance à laquelle ils aspirent. Car leur affirmation repose sur un seul ancêtre basé dans les années 1600. Elle se base aussi sur des prémices du genre : « Je me sentais à part des autres », « J’aime la nature, je ressens le besoin d’être dans la forêt ». Pour eux, c’est ça être « autochtone ». Étant aujourd’hui une société plus individualiste, certaines personnes chez ces groupes semblent avoir vécu une perte de repères, dû à leur perception du recul de l’identité culturelle québécoise auquel ils ne peuvent s’adapter. D’où un besoin de remplir ce vide par l’appartenance à la culture - ou de l’image stéréotypée qu’ils s’en font. Les prières autochtones, le « noble sauvage en harmonie avec la nature ». Sauf que nous arrivons et rectifions cette vision. En effet, nous avons encore ce sentiment d’appartenance, du moins je le crois et je ne parle que de ma communauté. Nous ne sommes pas les « gentils Indiens » qu’ils s’imaginent. Au lieu de vouloir comprendre comment nous fonctionnons réellement, d’accepter qui nous sommes et le fait que nous refusons la reconnaissance qu’ils demandent, les préjugés à notre endroit pleuvent. On nous range dans la catégorie de « l’Autochtone brainwashé par la Loi sur les Indiens » en jouant la carte de la victimisation. Ils vont souvent nous appeler « détracteurs » de leur cause, alors que nous avons simplement exprimer notre désaccord, car que pour nous, il en va de l’avenir de nos communautés pour les générations futures. 

À suivre… 

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Prendre le chemin de négocier seul…