Prendre le chemin de négocier seul…

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Vendredi dernier, le 19 février 2021, le conseil de bande de Wemotaci a publié un communiqué annonçant son retrait du Conseil de la Nation Atikamekw (CNA), décision prise unanimement par les élus. J’ai été choquée par cette nouvelle, d’autant plus en lisant qu’il s’agissait d’une décision prise sans consultation préalable des membres de la communauté. Cependant, le communiqué mentionne que les élus travaillent présentement à mettre en place une consultation auprès des membres afin de vérifier leur intérêt à quitter le CNA et à valider la décision du conseil de bande de Wemotaci. Suis-je la seule qui a l’impression qu’on fait les choses à l’envers ? Pourquoi ne pas avoir consulté les membres avant ? Peut-être faudrait-il rappeler aux élus qu’ils sont les porte-paroles du peuple et qu’il serait bien de savoir ce que le peuple veut avant de prendre des décisions aussi importantes que celle-ci.   

 

J’ai lu et relu le communiqué, essayant de comprendre le sens, essayant de voir les motifs de se séparer du CNA, mais, à mon sens, je n’ai pas vu de réelle explication raisonnable.

 

Je rappelle qu’en août 2020, les élus du Conseil de bande de Wemotaci (CAW) ont décidé de se retirer des membres votants du CNA en accusant entre autre Constant Awashish, le grand chef, de faire de l’ingérence. Nous étions plusieurs, notamment des jeunes, à demander plus d’explications à ce sujet, mais nous n’avons eu droit qu’à l’arrogance de la part d’un des élus qui tentait de défendre la décision du CAW. 

 

Avec d’autres jeunes, nous avions convenu, à l’époque, d’écrire un communiqué appelant l’unité des Nations. Je fais partie des signataires, ainsi que d’autres membres de Wemotaci. Encore une fois, nous n’avons pas été pris au sérieux par le conseil de bande de notre communauté, car certains élus ont préféré croire que Constant Awashish était derrière notre démarche. C’est à croire que les jeunes ne peuvent pas se mobiliser d’eux-mêmes pour dénoncer une situation qu’ils jugent risquée pour l’avenir de leur Nation. 

 

Je pense qu’il est important de mentionner que 80% de la population atikamekw a moins de 35 ans et que cette partie de la population n’a pas été consultée préalablement. J’ai rapidement été rejoint par d’autres jeunes qui, comme moi, désiraient faire quelque chose, car nous n’étions pas d’accord avec la façon de procéder. J’ai pu même constater que les élus espéraient attirer l’attention de Constant Awashish en l’accusant cette fois de ne démontrer aucun caractère rassembleur. Ce à quoi j’ai répondu « Qu’espériez-vous de plus ? Vous avez démissionné. » Le mieux aurait été d’aller le voir directement et lui faire part de ce qu’ils ressentaient. Je dois avouer que j’ai trouvé la démarche enfantine. 

 

J’ai également été déçu de l’attitude de certains élus du CAW à l’égard des jeunes qui exprimaient leur incompréhension et leur mécontentement face à leurs actions. L’un de nous s’est même fait répondre qu’il était encore trop jeune pour comprendre la situation. Qu’il comprendra un jour. Lui, un étudiant en droit, trop jeune pour comprendre ?

 

Qui sommes-nous pour eux ? Nous sommes tout à fait capables de raisonner et d’avoir nos opinions. Nous, à qui on a toujours répété qu’il était important de faire des études afin de mieux s’organiser pour notre Nation et être aux services des membres, au service des futures générations. Nous nous sommes même fait reprocher de ne plus habiter dans la communauté. Comme si pour s’exprimer sur les enjeux de notre communauté et de notre Nation il fallait absolument y habiter. Sachez que je suis Atikamekw où que je me trouve et que je considère qu’il est de mon devoir de m’exprimer sur ces enjeux. Plusieurs quittent pour les études et je trouve que d’avoir ce type de raisonnement envers les jeunes représente de la mauvaise foi envers la prochaine génération qui prendra, un jour, sa place au sein de dirigeants. 

 

J’ai discuté avec certains des jeunes suites à la récente annonce, les mêmes avec qui nous avions rédigé la lettre l’été dernier. Nos émotions étaient fraîches et affectées. Nous étions découragés. Nous qui croyons en la Nation, au CNA. Nous ne le voyons pas comme une simple corporation, mais comme notre Conseil Tribal au service des trois communautés. 

 

Une communauté en moins, le progrès va s’arrêter. C’est ainsi que je perçois cette nouvelle. On oublie trop vite ce que nous avons accompli grâce au CNA : La DPJ maintenant gérée par nos communautés est un grand pas par exemple. En nous retirant, nous mettons en péril nos enfants. Est-ce que les élus de Wemotaci ont vraiment un plan ? Quel est ce plan ? Car je doute que nous arrivions à grand-chose en négociant seul contre le gouvernement. Ensemble on est plus fort, on le sait bien. 

 

Je me demande ce qui se passe durant leur rencontre ? Qu’est-ce qui amène cette idée de quitter le CNA ? Qui en parle ? Je trouve que leur décision vient d’un intérêt émotionnel plutôt que rationnel. Dès que le CNA ne comble pas une infime demande, il faut tout arrêter ? Prendre une décision aussi importante alors que le mandat des élus ne dure que 4 ans, c’est égoïste et irresponsable selon moi. Nous n’avons pas élu ce conseil dans le but de prendre des décisions aussi drastiques sans nous consulter au préalable, surtout quand ça concerne une entité de notre patrimoine Atikamekw. Ils ne se sont pas demandé si les jeunes désiraient prendre le lègue ? 

 

Ce n’est pas en comblant que nos besoins primaires que l’on va réussir. Il faut penser à aujourd’hui, oui, mais il faut surtout penser à demain. Ce n’est pas en mettant des bâtons dans les roues de notre grand chef que l’on rend service à la Nation, ni à la prochaine génération. Le CNA existe depuis 40 ans et il faudra plusieurs générations pour atteindre nos objectifs et c’est à partir de ce moment où être rationnel devient important. Je suis d’accord, c’est peut-être ça qui fait peur et qui fâche. Nous voulons quelque chose tout de suite et maintenant. Mais personnellement, je sais que nous sommes dans ce processus et que nous avançons, mais que cette décision ne fait que ralentir les choses. 

 

Personnellement, je suis prête à me sacrifier et à ne pas avoir 100% de ce que l’on veut aujourd’hui. En autant que l’on n’arrête pas le processus et qu’il y ait de plus en plus de jeunes conscientisés qui poursuivront à leur tour le chemin de l’autodétermination. Que ces jeunes aient comme objectif de contribuer à la réussite de l’autodétermination des 3 communautés, car ça prend des ressources pour avoir une autonomie. Nos élus devront être en mesure de nous convaincre qu’il y a bel et bien des ressources, qu’ils ont un plan solide pour prendre un chemin à part en laissant le CNA de côté avec ses accomplissements.  Prendre le chemin de négocier seul contre le gouvernement. 

 

Si nous ne nous entendons pas maintenant ce sera le même problème dans les prochaines décennies. Soyons plus rationnels ! Restons unis ! 

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