Sois forte.

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Je suis tombée enceinte en octobre 2021 de mon premier enfant à l’âge de 31 ans. En attendant le bon moment, je devais également attendre après le « bon ». Même si d’un côté, j’avais renoncé à l’idée d’avoir un bébé. Mais une discussion profonde avec celui qui allait devenir mon mari réveilla quelque chose en moi. Il me posa une question : pouvais-je avoir des enfants ?

 

Cette question secoua en moi quelque chose. J’avais 29 ans à cette époque et j’étais à la croisée des chemins si l’on peut dire ainsi. NOUS étions à la croisée des chemins. Je me souviens m’être répété cette question pour ensuite répondre « Ben oui. Je peux faire des enfants. »

 

Nous avons donc entamé notre chemin ensemble.

 

Je ne pouvais trouver un meilleur allié que mon mari. Lui, il est Abénakis d’Odanak. Nous avons des combats communs, car être autochtone, c’est aussi faire face à des réalités. Nous avons aussi nos combats individuels, mais nous sommes là l’un pour l’autre le plus possible.

 

Nous ne savions pas encore le sexe du bébé. Mais je le surnommais bébé Watso. Ainsi, je laissais affirmer l’identité abénakise de mon bébé. Son identité atikamekw allait venir bientôt.

 

Bébé Watso allait porter le nom de famille de son père, je devais donc lui offrir un prénom atikamekw. Ce fut la chose la plus difficile à faire de ma vie. Choisir un prénom. J’ai déjà beaucoup de mal à choisir un titre pour mes œuvres.

 

En explorant les avenues, je redécouvrais ma langue atikamekw. Un prénom qui signifierait lumière nous attirait. Mais le mot changeait selon le sens. Si la lumière venait du soleil ou de la lune, des étoiles, ou si c’était celle du feu, son reflet. Tout était à considérer.

 

En plus des symptômes de la grossesse, je m’en donnais mal à la tête. Puis un jour, lors d’une promenade en voiture, je sortis spontanément un mot « Maskowisi ». Cela plut immédiatement à mon mari, mais je n’étais pas certaine encore. Malgré moi, ce fut décidé, notre enfant allait s’appeler Maskowisi.

 

J’ai angoissé, car je m’étais trompé dans la prononciation. Il devait avoir un C au lieu d’un S. « Mache Ko Wisi ». De plus, j’ai senti l’inquiétude chez certaines personnes de mon entourage de ce qui était devenu mon choix de prénom. On m’en suggérait d’autres, ce qui fut blessant, mais en même temps j’assumais mon choix.

 

Une fois ma fille née, au moment de signer les documents qui officialisaient le tout, je me sentais encore en réflexion. Était-ce le bon choix pour ma fille ?

 

Mais dans tout ça, je découvrais la maternité et mon enfant. Je découvrais les joies, la fatigue, mais par-dessus tout l’amour pour ma fille. Je suis une personne très rationnelle, du moins je m’y efforce. Être mère c’est tout un travail qui en vaut la peine. C’est normal d’avoir envie de pleurer, d’être épuisée, etc. À travers cela, les luttes auxquelles je m’étais engagé continuaient. Je me souviens notamment du moment fatidique en fin août, quand on sonna à ma porte. Au fond de moi, je m’attendais à recevoir ce que j’allais recevoir, j’attendais ce moment. Ce sont les répercussions de militer, de dénoncer, de dire les choses telles quelles, dire la vérité. Mais sur le coup, je pensais à ma fille. J’étais si triste pour elle, que l’attention allait être détournée d’elle. Assise sur le lit, pendant qu’elle était endormie sur le lit, minuscule comparée à aujourd’hui. Je la regardais en réfléchissant. Je priais nikokom kaie nimocom de m’envoyer un signe, de me rassurer que ce fût le bon chemin. J’ai gardé le cap, car tôt ou tard, la réponse allait venir.

 

Vous vous demandez sûrement : mais que signifie Maskowisi ? Nous voulions que son prénom évoque la force. « Masko » veut dire ours. Le « wi » évoque le mot « wiaw » qui veut dire le corps. Le mot force en atikamekw veut dire « être comme l’ours », étant un animal fort dans ma culture.

 

Je savais intérieurement que le prénom de ma fille allait prendre tôt ou tard son sens. Cependant, je n’aurai jamais imaginé que ce sens allait venir dans mes moments de doutes, de faiblesse, de vulnérabilité. Parce que Maskowisi veut littéralement dire : sois fort.

 

En tant qu’être spirituel, la vie est une expérience et nous faisons face à plusieurs adversités. En tant que mère, je fais face à la fatigue, le doute. En tant que militante atikamekw, je fais face à mon lot de combat, sois le racisme, l’appropriation culturelle, les traumas intergénérationnels …

 

Quand mon regard se pose sur mon enfant, je me répète « Maskowisi ». Ma fille me rappelle d’être forte, de croire, de continuer, de poursuivre le chemin. Je me souviens que c’est pour elle que je me bats, pour les générations futures. Le tout avec la dose d’amour qui grandit chaque jour pour elle.

 

Le sens de son prénom m’est apparu au moment où j’en avais le plus besoin et je suis émue en réalisant qu’un jour, ce sera à son tour.

 

« Ki sakihitin nitcanic »

 

Ekote, mikwetc !

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